Histoire de haine, puis histoire d'amour sur fond de pastorale, « As You Like It » est une comédie des contraires. Contraires d'abord séparés,... > Lire la suite
Histoire de haine, puis histoire d'amour sur fond de pastorale, « As You Like It » est une comédie des contraires. Contraires d'abord séparés, selon les oppositions traditionnelles du monde vert et de la Cour, de la nature et de la culture, de la mélancolie et de l'amour, puis contraires subtilement rapprochés par une construction en catoptrique qui superpose les personnages et tisse entre eux des jeux de reflets, enfin contraires réunifiés dans la totalité androgynique de l'échange amoureux. « As You Like It » tient à la fois du mythe et de sa mise à distance, de l'artifice théâtral et du discours sur le réel et articule une dialectique du même et du différent. Au cour de ces paradoxes, le Fou, Touchstone, pierre angulaire et miroir de tout l'édifice, dont l'esprit railleur et la langue ambivalente introduisent une géométrie de la perspective qui multiplie les images en les diffractant et conduit à des retournements et des inversions du sens. Comme toutes les pièces de Shakespeare, « As You Like It » refuse l'univocité d'un sens unique et totalisant, et s'offre plutôt comme l'expression d'une esthétique du renversement. C'est ainsi qu'« As You Like It » présente, en les soumettant au regard critique, les grands discours de son époque sur la pastorale, l'identité, l'amour, le temps ou encore le langage. La pièce condense et revisite à la fois l'épistémè de la Renaissance, tout en se démarquant des conceptions traditionnelles du théâtre mimétique pour proposer, par le truchement d'une revendication de l'artifice, de nous faire regarder le monde autrement. Car « As You Like It », qui est à prendre comme il nous plaira, est aussi une école du regard distancié.