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Né en Allemagne (à Clèves) d'une vieille famille noble de Hollande, sujet du roi de Prusse mais totalement français d'éducation, Jean-Baptiste Cloots a été l'un des premiers à sentir la signification universelle des conquêtes de 1789 et de la Déclaration des droits de l'homme (il en donna dès le 19 juin 1790 une manifestation symbolique un peu extravagante en conduisant devant la Constituante une « ambassade du genre humain » composée de gens de toutes origines et en se décernant le titre d'« Orateur du genre humain »). Il s'était contenté jusque-là d'être un critique érudit des religions révélées et l'auteur des Voux d'un Gallophile où un ardent amour de la France et de Paris s'associait en économie à un libéralisme extrême. Son enthousiasme généreux pour les principes de 1789 fit de lui un des journalistes et « brochuriers » les plus prolixes du temps.
Républicain avant tout le monde ou presque, il intervient dans tous les débats avec un mélange de naïveté, de générosité et de dogmatisme. Sa réflexion politique l'amène bientôt à concevoir l'idée d'une paix définitive par l'instauration de la République universelle - « l'utopie de mes veilles », dit-il. Rêveur impénitent et rationaliste intransigeant, adversaire du fédéralisme girondin, il offre à la Révolution et à la France qui en est porteuse un projet grandiose qui suscite d'âpres oppositions.
Citoyen français dès août 1792, et même député de l'Oise, il poursuit son combat - son apostolat - à la Convention et au club des Jacobins dont il assure même brièvement la présidence à la fin de 1793. Mais son athéisme, aussi militant que son universalisme politique, ne pouvait pas ne pas déclencher l'agacement et bientôt l'ire de Robespierre qui ne lui pardonnait pas d'avoir été, en 1792, du parti de la guerre (au nom de la paix...). Étranger, aristocrate, millionnaire et mondialiste, Cloots fut condamné à mort. Son comportement en prison puis face à la guillotine devait prouver la force de ses convictions. Au siècle suivant, des esprits aussi ardents que Michelet, Louis Blanc, Jaurès salueront le courage et le panache de ce révolutionnaire atypique qui fut sans nul doute la figure la plus attachante d'une époque pourtant riche en personnalités d'exception.
Directeur de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, membre associé de l'Institut de France, correspondant de la British Academy, président d'honneur de la Société d'études staëliennes et président de la Société Diderot, auteur de nombreux travaux et d'éditions critiques d'ouvres des écrivains des Lumières, Roland Mortier est l'un des plus grands dix-huitièmistes européens.