Une première tentative de reconstruire la raison, considérée comme base permettant de revendiquer l'égalité et de combattre l'injustice
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Une première tentative de reconstruire la raison, considérée comme base permettant de revendiquer l'égalité et de combattre l'injustice
Dans beaucoup de milieux intellectuels, y compris à gauche et à l'extrême gauche, la raison est aujourd'hui traitée comme une ennemie. Instrument au service de l'État et du Capital, des polices, des bureaucraties et des technocraties, de la Science qui ne serait que technoscience, de l'Occident et de l'impérialisme, elle signifierait contrôle des corps et des esprits, exclusion et enfermement, écrasement des identités et des différences, ethnocentrisme et colonialisme, productivisme et destruction de la nature et de la Terre...
Certes, la raison et l'universel ont servi de paravents à toutes sortes d'horreurs et d'oppressions. Mais les irrationalismes politiques et religieux en ont « justifié » bien d'autres. Et comment dénoncer l'injustice, revendiquer l'égalité et le respect des différences, comprendre la place de l'espèce humaine au milieu des autres et sur la Terre, sans s'appuyer sur la raison ? Pas une Raison supérieure, surplombante et totalisante, censée justifier l'ordre établi ou le cours de l'histoire. Mais la raison commune qui est en chacun, cette capacité de demander pourquoi et comment, de chercher ce qui est vrai et ce qui est mieux.
Ce dossier veut ouvrir quelques pistes pour contribuer à l'immense projet de reconstruire la raison, notamment à travers une réévaluation critique de l'idée de « progrès » dans un dialogue avec Jacques Bouveresse, une analyse des modes de pensée irrationnels voire religieux dans l'extrême gauche française, une réflexion sur l'héritage des Lumières à partir de la dichotomie entre Lumières radicales et modérées mise en évidence par les travaux de Jonathan Israel, ou encore une confrontation avec le rationalisme mal connu de Hayek, aussi puissant philosophiquement que discutable dans ses principes et ses conséquences.
Jean-Luc Chappey est maître de conférences habilité à diriger des recherches en histoire, il est actuellement rattaché à l'Institut d'histoire de la Révolution française (Ea 127) de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne.