À la fin du XIXe siècle, les mines du Nord de la France se sont imposées comme une polarité nouvelle, attirant et agrégeant une main-d'ouvre tant... > Lire la suite
À la fin du XIXe siècle, les mines du Nord de la France se sont imposées comme une polarité nouvelle, attirant et agrégeant une main-d'ouvre tant locale que transfrontalière. Mais si ce maelström satisfait les puissantes compagnies, il n'en va pas de même pour les mineurs, dont l'engagement dans la lutte syndicale peine à se départir de ses récents échecs. Entre rancour et lassitude, la base ouvrière décide de dépasser les cadres politiques, en se tournant non pas vers les chefs, cible attendue, mais vers l'Étranger : du 15 août au 20 septembre 1892, plus d'un millier d'ouvriers belges sont violemment traqués, attaqués puis chassés du bassin minier du Pas-de-Calais, sans autre issue que le retour vers la terre d'où ils étaient partis, quelques mois ou décennies plus tôt. Si cette expulsion collective épouse des formes anciennes de la contestation, toute explication semble se dérober à l'enquête, réduite au seul rôle répressif. La parole des mineurs ressemble à ce réel qui résiste, face aux mises en récits développées « par le haut » : est-ce la faute au nationalisme ? au protectionnisme ? au socialisme ? La concordance des temps de l'émeute, de la presse et du politique semble vaine. Pour l'historien, la vérité de ces obscures semaines erre dans le même ban que celui de ces ouvriers : conduits au silence, pour des raisons de paix sociale, suite à l'acquittement des inculpés français ; ou bien, condition de survie de toute nation selon Renan, à l'oubli suite à la naturalisation massive des Belges. Peu connus, ces événements mettent pourtant en avant une ambiguïté fondamentale de la gauche : la distorsion entre les actes des ouvriers et les espoirs qu'elle plaçait en eux. Cette gêne qui ne cesse de ressurgir est au cour de cet ouvrage.